Le premier, par Nadia Coste
8 novembre 2015 par Sylfraor

Illustration Aurélien Police
Dans les univers imaginaires actuels revient souvent un archétype se nourrissant de sang, ne se reflétant pas dans les miroirs et ayant des réactions cutanées fortes au soleil, tel un certain Dracula. Dans ce type de littérature se retrouve souvent l’idée qu’un vampire né d’un autre vampire est un peu moins fort que son géniteur. Ainsi, on a l’idée que le primo-vampire, le premier né, serait le plus redoutable, le plus puissant, mais aussi le plus sage puisqu’il aura vécu bien longtemps avec ses capacités inégalées. Nadia Coste, dans ce récit, s’attaque à raconter la vie et surtout la non-vie du premier et le moins que l’on puisse dire, c’est que cet ancêtre n’est pas conforme aux attentes de ses célèbres descendants. Révéler qu’il s’agit d’un vampire ne gâche rien, et de toute façon, Nadia m’a libéré de toute contrainte en me l’écrivant sur la page de titre dans sa dédicace.
Publié chez Scrinéo, le roman est du « young adult », ce qui signifie que je n’ai pas le droit de le lire. Je jette donc à la poubelle l’étiquette et finalement, je trouve un roman qui est très bien écrit, dans une langue extrêmement claire, et qui a un rythme élevé, enchainant du début à la fin les situations sans temps morts ni contemplations. Si j’aime les textes plus complexes, donnant plus de place à la beauté des mots, j’apprécie également cette expérience et je pense que beaucoup de lecteurs n’ayant plus vraiment le sentiment d’être de « jeunes adultes » y trouveront également un bon moment.
Le personnage appelé à être le premier vampire, Vaïn, est un adolescent dans un village du néolithique. Les hommes braves du village sont des chasseurs et des éleveurs d’aurochs, les autres sont cueilleurs et cultivateurs. Le frère ainé du héros va officiellement être reconnu « en âge », il va prendre femme après avoir montré sa bravoure. La rivalité entre frères est courante et le petit a souvent une mauvaise image de lui dans cette relation. En l’occurrence, Vaïn est effectivement l’objet de moqueries de son frère et de son village, mais il faut dire qu’il est complètement inapte à comprendre les autres et peu efficace dans tout ce qu’il entreprend. Par contre, il a une capacité incroyable à s’imaginer en victime et à ne jamais se remettre en question. Et c’est lui qui, suite à une rixe mortelle avec son frère, va devenir un vampire, son frère fondant la branche des garous au passage. La transformation va le rendre plus fort, mortel pour tous, mais en aucun cas plus malin.
Le récit va suivre ce personnage, qui n’est pas un héros, évidemment, mais qui n’est pas non plus l’antihéros auquel on s’attache malgré nous. Non, lui, c’est juste un bel exemple de lâcheté, de monstruosité et de déni du monde. Il va poursuivre une quête compréhensible de lui seul, restant incapable de développer de l’empathie pour d’autres êtres, et incapable d’apprendre. Il va provoquer beaucoup de choses, mais jamais avec les résultats attendus. Il nous donne donc un bel exemple de fuite en avant, probablement la plus longue de l’histoire de l’humanité, puisque le roman s’achève à l’aube de la fondation de Rome.
En dehors de suivre le plus immortel de tous les losers, le texte est l’occasion de parcourir l’évolution du néolithique jusqu’aux prémices de Rome, avec peu voire pas d’éléments historiques précis, mais beaucoup d’allusions aux différents mythes et légendes de ces périodes et aux sources des créatures de la nuit. Lecture plaisir, avec un personnage atypique, mélangeant le mythe du vampire et la relation de Caïn et Abel, ce roman nous faire parcourir plusieurs milliers d’années dans le crâne plutôt étroit et bien tordu du vampire originel.