En revenir aux fées, par Nathalie Dau

26 mai 2015 par Lodael

Illustration John Atkinson Grimshaw, Spirit of the Night, 1879 (détail).

Illustration John Atkinson Grimshaw, Spirit of the Night, 1879 (détail).

Je suis revenue du Festival des Mondes Imaginaires de Montrouge avec En revenir aux fées, le dernier ouvrage de Nathalie Dau. Ce livre était présenté comme un « roman mosaïque », comportant onze nouvelles reliées entre elles par un fil conducteur, entrecoupées d’interludes poétiques. J’ai pris le temps de le déguster, retrouvant avec joie la plume de conteuse et l’univers féérique de l’auteure. Nous avions déjà parlé de certains de ses recueils de nouvelles, les contes myalgiques ainsi que le plus ancien Tangram. Ce nouveau livre s’inscrit dans la continuité des précédents, donnant a posteriori une vraie cohérence dans les morceaux épars semés de recueils en anthologies. C’est ainsi une vraie mythologie, qui s’est étoffée au fil des ans et de la plume, qui se livre à nous dans ces pages.

Le recueil s’ouvre sur « Follette », qui dépeint un monde ravagé par une catastrophe que l’on connaît sous le nom de l’Échec. L’environnement est si pollué que la plupart des gens du commun ne sortent plus de chez eux, ou très rarement et munis d’un masque. Dans cet univers gris et morose subsistent pourtant encore les fées, se nourrissant des créations des rares artistes et autres rêveurs encore présents. Follette, qui se nourrit des rimes de son cher poète Julian, part dans une quête désespérée afin de le sauver. Elle découvre alors le véritable état du monde, retrouve ses congénères et part encore plus loin, à la Cour des Hautes Fées pour rencontrer la grande Reine des Lueurs…

Cette nouvelle présente l’univers post-apocalyptique que l’on retrouve en filigrane dans une partie des textes de ce recueil. Elle mêle avec une grande justesse l’anticipation, le conte et la mythologie, dans un style unique, poétique et mélancolique. Il s’agira en effet, au fil des histoires, de sauver l’humanité en lui rendant la Terre, mais pour cela il faudra réveiller les plus anciennes forces, ce qui s’apparenterait à la déesse-mère des peuples primitifs (dans « Si blanche, si rouge, si belle », et « Le vautour, le chien jaune et le serpent »). Mais, surtout, de réveiller dans les hommes eux-mêmes le pouvoir de s’indigner, de se révolter et d’imaginer d’autres lendemains (« Cerdane »). Pourtant, avant d’en arriver là, le chemin est tortueux et nous dévoile tous les pans de la mythologie que les hommes ont oubliée dans leur course effrénée au « progrès ». L’ouvrage nous fait donc passer, à travers les souvenirs de divinités ou la plume du poète, par divers contes mythologiques dévoilant chacun un pan d’une image.

Parmi les récits mythologiques, ma préférence va à « Cet œil brillant qui la fixait » et au « Pont du crépuscule ». Tous deux font référence à la femme-soleil et à l’homme-lune, dans une mythologie dont on voit clairement les sources d’inspiration, mais dont la puissance évocatrice n’est pas moins grande, au contraire. Dans la première nouvelle, nous suivons l’histoire d’une princesse habitant une forteresse entourée d’un lac. Cette forteresse est régulièrement attaquée par une peuplade soutenue par un dragon crachant du feu, heureusement repoussé par une créature du lac gardienne de la forteresse. Dans la seconde, il s’agit des amours impossibles de la belle Nuit, qui appartient à la cour du Roi d’Ombre, et du séduisant Jour, vassal de la Grande-reine des Lueurs. Quel stratagème vont-ils trouver pour pouvoir s’aimer sans se détruire mutuellement ?

Pour ceux qui connaissent déjà Nathalie Dau, ce livre n’est pas une entière nouveauté, d’autant qu’une petite moitié des nouvelles ont déjà été publiées ici et là dans diverses anthologies. Plus qu’une continuité, c’est l’apogée, ou du moins la pleine maturité du talent d’un écrivain qui se déploie dans ce livre. Bien que le fil conducteur ne soit parfois qu’un prétexte à s’égarer sur des chemins de traverse, ceux-là sont si plaisants qu’ils valent toujours le détour. Et l’image globale, une fois le puzzle reconstitué, évoque l’amour de la Terre, de son histoire et de tout ce qui y habite, le chagrin et la mélancolie devant les ravages causés par les appétits aveugles de quelques-uns, mais aussi la foi en l’humanité. Le brymant des fées, cette petite poudre magique semant l’inspiration, nous permettra-t-elle d’imaginer des lendemains meilleurs que ceux qui sont évoqués dans ce livre ?

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